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Poèmes
extraits du recueil "La lente et simple passe des jours"
de Georges Garillon La simple et lente passe du jour ~ Mon coeur de naguère ~ Au bout de mes doigts ~ Mon grand-père paysan ~ Autoportrait à la pointe sèche ~ Un oiseau d'amitié ~ L'adolescence aux yeux de mûres sauvages ~ |
L'adolescence aux yeux de mûres sauvages
Quand la
lune bivaquait
dans la nuit mauve des marais
sur les pals flamboyants des iris,
les nymphes des rêves pubertaires,
douces chairs de satin amidonnées,
dansaient au plein des célestes ténèbres
au rythme de flûtes lascives et pures,
où sur l'enclume d'or du silence
la brise somnolente forgeait
le métal cristallin de l'adolescence endormie
Les satyres
de l'ombre aux langues noires
se lovaient autour des dryades cabriolantes,
soulevaient les volants de leurs robes,
émouvantes de pulpes blanches, roses ou dorées,
pour voir le plus beau fleuron de leur ventre,
qu'ils ouvraient sans pudeur ni vergogne
entre leurs doigts impurs de cristal pur !
Sur des ailes
d mousse et de vent léger,
roulait et s'enroulait la forêt nocturne
dans les sanglots de gaieté de ses branches,
parcourant les printemps, les automnes,
océans immenses de jade et d'ambre,
jusqu'aux confins de feu et de neige
des étés et des hivers aux formes fulgurantes;
sur les monts griffés d'aubes et de crépuscules,
se feuillait et se défeuillait
la douce nuit aux cheveux verts
Trois cent
mille étoiles
fleurissaient la chemise du firmament,
que les sept dieux du prisme
brodaient sur la claire batiste du vent;
trois cent mille cassolettes
embaumaient cet univers de jupons et de corsages,
de lèvres, de hanches et de seins,
de peaux fines et d'yeux de criste-marine,
qui s'enfuyait follement sur les marias,
crissait de dentelles et de soieries arrachées
par les couteaux acérés des roseaux,
se cabrait sur l'horizon embrasé
Ah ! que
de soleils dans les ténèbres,
que de déchirures de fuchsias,
que de cris de magnolias,
que de sabres de rubis et de jais !
Ah ! que d'empreintes de chairs
raidies dans la soie des limons,
que de miroirs de bronze lunaire
mouillés de baisers et de pleurs,
que de larges croupes en corolles
d'archanges ou d'éphèbes féminins
dressées dans le clair-obscur
d'émail ou d'étain clair,
qui voltaient et chantaient
sur les échos et les désillusions du monde
transpercé des cinq clous rouillés des sens !
Quand la
lune quittait marais et roselières,
l'aube argentait la poussière éteinte
des boucles de l'onde stagnante,
faisant source de sang
avec les corps des oréades frémissantes,
avec les sélénites clameurs des nymphéas,
avec le souffle humide des rosées,
avec la sève meutrie de la jeune fleur coupée,
avec les gémissements et les rires suaves
des vierges aux flancs magnétiques
Et la nuit
immobile dans le poing tu jour
ruisselait de tous ses ruisseaux de seins blancs
pour l'éveil farouche de l'adolescence
aux yeux de mûres sauvages ...