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Poèmes extraits du recueil "La lente et simple passe des jours" de Georges Garillon
~1998 ~

La simple et lente passe du jour ~ Mon coeur de naguère ~ Au bout de mes doigts ~ Mon grand-père paysan ~ Autoportrait à la pointe sèche ~ Un oiseau d'amitié ~ L'adolescence aux yeux de mûres sauvages ~

   


La simple et lente passe du jour


La forêt millénaire
s'enfuyait de la ville
en remontant les champs
les prés et les rivières
jusqu'à la mer

D'antan la lune se posait
sur la coupole des chênaies
dont les rayons somnolents
s'égaillaient, éperdus,
parmi le bronze aveugle
des branches

La terre lourde de blés verts
se brouillait d'ombres d'or
à la lisière des troupeaux
blancs et roux,
que gardaient chiens et pastoureaux

Toujours allaient leur train tranquille
de calme cloche ancienne
les puissants chevaux de force,
ces amis contraintes de l'homme campagnard
qui rêvaient à Pégase
se souvenant des ailes
qui battaient à leurs flancs
quand avant leur naissance
ils étaient dans un passé mythologique
hipparions, centaures, hippogriffes ou licornes,
se mêlant aux cristaux et aux chairs vives,
aux fièvres et aux argiles de la création

Dans l'obscurité herbeuse des chemins
et sous les pas des jours de fête,
l'inerte caillou voulait être lumière
pour atteindre par l'échelle de l'azur
à la semence minérale des étoiles

Après la nuit venait le jour,
le jour après la nuit,
petits chevaux dans un manège
tournant en rond
sous le soleil et sous la lune,
et sous le vent

Pour un goûter sur l'herbe,
les enfants aux bérets noirs
mangeaient des tartines de pains bis
toutes barbouillées de confiture,
qui maculait leurs tabliers gris;
en leurs petites têtes pleines de rêves
chantait le grillon de l'innocence,
tandis que le bras rude du vent
les prenait bourrument par le cou

Les gens s'en allaient aux champs
et s'en revenaient dès le printemps venu,
après avoir frayé les sillons à semer le bon grain
La rose au jardin s'empourprait
l'herbe brunissait aux prés
les gens s'en allaient en fenaison
et s'en revenait le foin engrangé
Le blé mûrissait à l'été finissant :
les gens s'en allaient en moisson
et s'en revenaient hâlés de soleil et de félicité
Dans les arbres les feuilles s'enflammaient
de rires d'or et de rouille?
et l'automne venait :
les gens s'en allaient à la charrue
et s'en revenaient les semailles révolues
Le ciel de plomb et d'argent
neigeait ses flocons d'ouate et de lis,
et l'hiver survenait :
les gens s'en allaient couper du bois
dans la forêt belle comme une cathédrale,
et s'en revenaient les affouages stérés

C'était dans le sein de la campagne
la simple et lente passe du jour,
l'ombre à la taille des arbres,
et sur l'épaule rugueuse du paysan
le cuir hongroyé, mordant et brun,
du harnais fatal et sacré du terrien