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Poèmes extraits du recueil "La lente et simple passe des jours" de Georges Garillon
~1998 ~

La simple et lente passe du jour ~ Mon coeur de naguère ~ Au bout de mes doigts ~ Mon grand-père paysan ~ Autoportrait à la pointe sèche ~ Un oiseau d'amitié ~ L'adolescence aux yeux de mûres sauvages ~

   


Mon coeur de naguère


Le jeune campagnard saute-ruisseau,
robuste et sans grâce
que j'étais,
ouvrait ses yeux vivants
comme l'eau du ruisseau
aux sentiers brûlants de son village,
où vivement fuyaient sous les herbes
l'effroi et l'agilité
de la couleuvre et du lézard

Sur ces sentiers chancelants,
mon coeur de naguère
tacheté de roux comme un automne tardif,
s'empllissait d rosée,
mon coeur brun et vagabond,
mon coeur obombré
des ténèbres aurorales,
où flambaient les plus belles strophes
de Lamartine ou de Verlaine

Comme une chevelure de clartés infinies,
les étés soyeux et méditatifs
enluminaient la neige hâlée de mon front
de tresses d'or à tisser l'éternel

La splendeur de l'herbe verte
se riait de la mort;
le coeur en fête les enfants chantaient,
tenant en leurs mains printanières
le lis de sang de l'enfance
plein de sons et de lumières,
bourdonnant d'abeilles et d'étoiles,
souriant de fées et de princesses
dans le cristal limpide
et les encres immortelles des légendes

Le silence arrondi de la colline
s'enflammait d'une magnificence musicale
jusqu'à l'infini de l'horizon
criblé des papillons fous de la jeunesse;
le silence bleu pervenche du village
polissait entre les maisons
la respiration ivoirine de l'amour,
qui épelait l'humble tendresse
d'un autrefois d'harmonie et de lumière
dans la griffe des années

Pour illuminer les prés et les bois,
les champs et les guérets,
le soleil à la barbe ardente
faisait palpiter dans le sang de mai,
énamourés, enoués, éclatés,
le rire de mille lèvres vertes,
l'or et le feu de corolles charnelles
jaillis de leur blanche pureté

Le silence profond de la terre
se cristallisait dans la rose
au rosier épanouie;
un paradis d'eaux vives,
de quiétude et de bonté,
épandait ses parfums
en mon coeur enclos,
qui s'ouvrait au-delà du jour
à l'obscur champ de soleil alourdi
fixant l'éternité

La vie s'épanouissait entière
aux épis unanimes,
dodelinant à l'ample arôme de midi
sur l'azur méditant son âme de turquoise
du plus profond des siècles

Les baisers de la pluie sur les fleurs des champs
faisaient douce mélodie
en mon coeur rafraîchi
d'une poignante odeur de terre mouillée
avec les murmures de jasmins des jardins
frissonnant d'un semis de nacre,
faisaient chanter en mes flancs
la source d'argent clair d'une étoile,
comme si le souffle de mon être
remontait de contrées lointaines
à travers les rudes argiles de mon corps