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 "Odes" sont les paroles et musiques de la nature vosgienne tant chérie par mon père

Poèmes extraits du recueil "Odes" de Georges Garillon
~1990 ~

Je vous parle d'un pays ~ Moissons ~ Surgir ~ Cheminements ~ Le bleu d'un moment de ciel ~ Ma maison est sur la colline ~ Poème ~

   


Moissons


Aux semis d'or des moissons le musc des chevaux se mêle
Le soleil noue le faucheur l'alouette le blé
dans son faisceau de feu chaviré d'espace

Brebis d'albâtre lent voyage des nuages

L'aile de la faulx fauche l'épi convulsé
Perle le sel au front de l'homme osier balancier
qui dévore en ahanant la mer des céréales

Vêtu de lin l'homme au masque d'argile

L'eau coule entre terre et racines que boit
le cresson de la source où
languissant de fraîcheur une bouteille attend
Un tréseau de guêpes butine le goulot sucré
Le chasserot fait son point fixe au-dessus
d'une luzerne à surmulots
Le taon pompe le sang des boeufs unis par le cuir et le joug

Les charrois lents se hâtent vers le ventre des greniers
Tournez moyeux rais bandages de fer tournez
orbe de chêne étoilé de ferrures
arrois de cuir mors d'azur brides de l'air
galops d'aubépines bais coursiers des toits éperonnés
par le coq du clocher écume de poussière
tournez tournez tournez dans l'espace émerveillé

Une poule est un lis sur un tas de fumier
Les maisons s'emplissent d'ombre et de fraîcheur
Secrètes émues d'un silence de verre
voix d'outre-terre des objets transparents
Les maisons de l'homme dépouillées
L'escalier est une arche de bois entre grange et grenier
sur laquelle une à une s'écoulent les saisons splendidement

On voit des mots de cuir des mots de fer suspendus
à l'aplomb du mur blanc : deux harnais un fouet trois chaudrons
L'oeil de boeuf s'étonne de son oeil de cyclope
La hache comme un cri
d'acier fichée dans le bloc
L'écho glaciaire s'en est perdu dans les collines d'entremont
la neige avec le sang de l'aulne à chair de femme

Au mitant de sa toile veille l'épeire diadème
bijou de chélicères réseau de pattes délicates tuyères
de ses filières de soie veille l'araignée de paille et d'herbe
dans les rosiers saignant de roses au mitan du jardin
Dans l'auge de pierre l'eau mire les lilas renversés
vers le ciel lourd de soleil
Leur parfum est un givre améthyste

Un encens brun monte de l'étable où rêvent les vaches
d'un rut colchique superbement
Cuir fauve cornes de bouc mufle cerclé d'un anneau bleu
le Minotaure massu sur ses quatre pattes bien assis
balance sans pesanteur son corps de granit
Elles s'arrondissent dans le delta des fémurs
les énormes parties où mûrit la sève des futures saillies
Outre velue goyave double carquois du sexe recroquevillé

Il monte de la terre moissonnée un désir de semailles