@rc~en~ciel
 

Nagda
Le rendez-vous des dieux ...

EPISODE I


 Auteur : J. LIONEL

 

 « Une nuit .... cette nuit peut-être ...... ? »   Ram s’interrogeait. Chaque soir, depuis deux lunes il veillait.

Seul, perché sur un promontoire rocheux qui surplombait le fleuve, il observait la voûte céleste jusqu’à tomber de sommeil, mais rien pas le moindre signe.

« Deux lunes, deux lunes déjà, combien de temps encore à attendre ? »

Pourtant, Oum, lui avait dit que ce serait pour bientôt, il avait confiance en Oum, mais il commençait à douter. « Si Oum se trompait ? »

Encore une fois il en resta là dans ces questions, une torpeur l’envahit, il était temps de rentrer. Il se promit de recommencer demain, « oui demain », il ne pouvait savoir pourquoi, mais  il en était persuadé, « ce serait pour demain ».

Alors qu’il s’approchait du village, la lueur rougeoyante d’un feu se fit de plus en plus présente, un frisson alors le parcourut, il ne s’était pas rendu compte combien il faisait froid.

Il se mit à courir, soudainement pressé de se mettre bien au chaud, dans sa hutte auprès des siens.


Oum, ne pouvait dormir, assis sur le pas de sa porte, il humait la fraîcheur de l’air, en ce début de printemps les nuits étaient encore froides, le ciel étoilé semblait à la fois si proche et si lointain. Oum soupira, un jour il le savait, il comprendrait ce mystère, les esprits le lui avaient promis.

Oum n’était plus jeune, ses cheveux blancs révélaient sa grande sagesse, il était le sorcier du village, le grand chaman à la médecine si précieuse, mais certains dans la tribu tout en reconnaissant ses grands pouvoirs de guérisseur, commençaient à se poser des questions à son sujet.

Alors que depuis toujours ses prédictions étaient merveilleusement justes, ne voilà t-il pas qu’il s’était mis à annoncer voici quelques lunes, l’arrivée des dieux.

« Ils viendront des étoiles », clamait-il à qui voulait l’entendre, « d’étranges signes dans le ciel les précéderont et plus rien ne sera comme avant ».

Mais depuis, malgré l’imminence de sa prédiction, rien n’avait changé, le ciel était toujours vide et aucun signe annonciateur n’était venu troubler la quiétude des cieux.

Il n’y avait bien que Ram pour continuer à croire le vieux chaman, les plus respectueux faisaient mine de rien, mais d’autres, surtout parmi les plus jeunes, ne se privaient guère de se moquer de lui. Ils pensaient que Oum avait perdu la tête, qu’il était temps qu’il rejoigne le pays des ancêtres.

Oum, la tête tournée vers le ciel, réfléchissait, « peut-être avaient-ils raison, peut-être la vieillesse le faisait délirer, peut-être n’était-il plus bon à rien ».

L’idée qu’il pouvait être un poids inutile pour la tribu le hantait, c’est pourquoi il ne pouvait dormir.

Heureusement il y avait Ram.
 
Ram était un jeune garçon d’à peine quinze ans, on ne pouvait dire de lui qu’il avait l’allure d’un futur guerrier, non qu’il soit malingre, bien au contraire, il était vigoureux pour son âge, mais il avait plus la tête dans les nuages que les pieds sur terre, et les prouesses guerrières ou les exploits sportifs ne l’intéressaient guère. Il était loin des préoccupations des jeunes de son âge.

Lui, ce qui l’intéressait c’était les animaux, la nature, les plantes, les récits teintés de légendes de Oum, et puis le vieux sage ne lui avait-il pas annoncé un destin hors du commun. Il était l’élève studieux du vieux chaman.

Oum en était sûr, « un jour il lui succéderait, un jour il serait un grand homme ».

Déjà à l’horizon, une lueur blafarde pointait, le soleil allait se lever, la cité lacustre de Nagda commençait à s’animer, dans les roseaux les canards et les poules d’eau s’éveillaient.

Zidam, Noukta, et Frann, les pêcheurs du clan de Priam, poussaient doucement leurs barques de papyrus dans le bras mort du fleuve.

Oum, venait enfin de trouver le sommeil.


Une alarme retentit dans l’immense salle où s’alignaient des centaines de sarcophages.

L’énigmatique lueur émanant de ces boites translucides ajoutait à l’étrangeté de l’endroit.

Mis à part le son lancinant de l’avertisseur sonore, rien ne paraissait donner signe de vie.

Seul un observateur attentif aurait pu remarquer le glissement feutré de la verrière coulissant le long de la boite numéro 33.

Lorsque Lergh ressentit les picotements caractéristiques parcourant entièrement son corps, il comprit que l’heure du réveil avait sonné. Il ne put s’empêcher de grommeler mentalement « non, c’est pas vrai, déjà !!! ».

Effectivement, le long sommeil duquel il émergeait était si agréable que le retour soudain à la vie, avec le sang se remettant à circuler et l’air envahissant à nouveau les poumons, était pratiquement insupportable.

Lergh commença à remuer lentement les doigts, l’alarme se tut enfin.

Allongé sur le dos, les bras croisés sur le torse, le corps ceint d’une gangue de lurex métallisé, la tête et le visage protégés par un masque doré laissant transparaître les traits du visage, Lergh se retint de décroiser les bras. Il lui fallait attendre que l’enveloppe de lurex se dégage d’elle-même.

Déjà l’ordinateur central terminait les mesures de contrôle vitales, tout était O.K. Un flot d’informations envahit soudain le cerveau de Lergh. La procédure de remise à niveau mémorielle était lancée.

Maintenant Lergh se souvenait, les images du départ s’affichaient devant ses yeux, c’était hier, c’était il y a quatre mille deux cents vingt-cinq cycles.

Il se rappelait cette belle planète, Maïa, sa planète, son monde, il se rappelait ce vieux système solaire, son soleil rouge de plus en plus chaud, la fin était proche, la fuite était leur seul salut .....
 
A bord du vaisseau impérial Setto, c’était l’effervescence, depuis quelques heures, la procédure d’éveil automatique s’était déclenchée.

Dans la salle de régénération du troisième niveau, tous les sarcophages étaient ouverts, les membres de l’équipage du navire « exploreur » de la fédération intergalactique, tels des zombies, se remettaient difficilement de leur réveil.

Ils se dirigeaient tous vers le grand salon de conférence, ils allaient enfin savoir pourquoi on les avait arrachés à leur longue léthargie.

Ils étaient cinq cents, hommes et femmes, habillés de la même combinaison rouge et noire frappée de l’éclair, de la flotte de guerre du système Minh.

Placé au centre de l’assemblée, le commandant du vaisseau, l’amiral Methi, en grande tenue d’apparat, sa longue chevelure noire sur les épaules, semblait impatient de commencer son discours, tandis que la foule finissait de s’installer.

« Mesdames et messieurs, voici plus de quatre milliers de cycles, nous avons appareillé en compagnie des vaisseaux Izsia et Ozsir afin d’évacuer notre galaxie en danger, notre soleil de plus en plus enclin à des convulsions catastrophiques ne nous laissait guère le choix. »

Les spectateurs attentifs à la moindre parole de leur amiral se demandaient où celui-ci voulait en venir, quoique lui reconnaissant des qualités de chef incontestables et appréciant sa bravoure lors des événements qui avaient secoué la galaxie, ils n’aimaient guère son autoritarisme et son commandement despotique.

« Comme vous le savez, vous fûtes tous  volontaires pour cette expédition, nombreux de notre peuple ont préféré rester là-bas, beaucoup ne voulant pas croire à la fin inéluctable de notre monde, d’autres préférant mourir chez eux ...»

S’éclaircissant la voix, l’amiral reprit « ... vous avez fait preuve de courage et d’abnégation  en acceptant ce long exode, ces milliers de cycles loin de chez vous entrecoupés de veilles et d’hibernations, à la recherche de je ne sais quelle terre d’accueil, et bien mesdames et messieurs, votre attente sera bientôt récompensée. »

C’était donc cela, la foule incrédule, ne pouvait y croire, cela faisait la sixième fois qu’on leur annonçait la terre promise, et depuis tout ce temps toujours rien, que le vide interstellaire parsemé de systèmes inhabitables, une autre terre que la leur, une autre Maïa existait-elle quelque part ?
 


Dans la végétation épaisse florissant non loin de Nagda il était difficile d’y voir loin, mais la vie  y était intense, ça et là des frôlements dans les herbes épaisses, des feulements d’animaux dont on ne savait s’ils étaient dangereux ou non se faisaient entendre.

Soudain le sifflement caractéristique d’une flèche déchira l’air suivi aussitôt d’un glapissement de douleur.

« Lanka, Lanka !! , ici, je l’ai eu, je l’ai eu ! » s’écria Malho, tout en se précipitant  dans les hautes herbes.

Un grand gars musclé, à la peau mate, aux grands yeux noirs, les cheveux au vent, le torse nu, seulement  vêtu d’un pagne sortit brusquement des fourrés, brisant son invisibilité il se mit à courir en direction de la voix.

Malho, penché sur le corps agonisant d’un grand cochon sauvage, arracha la flèche de la dure peau de l’animal, il ne bougeait plus, il avait rejoint les territoires de chasse des ancêtres.

Poussant un cri de victoire, Malho, brandissant sa flèche, se retourna vers l’astre solaire à son zénith et s’écria « Oh grand Raya ! toi qui nous apportes lumière et joie, accepte le sacrifice de ton « enfant-quatre-pattes », il n’est pas mort en vain, voilà de la bonne nourriture pour nous les Nahiou. »

Enfin rejoint par Lanka, les deux Nahiou, « les hommes » dans leur langage, se congratulèrent vivement.

« Bravo Malho, Gorak notre père sera fier de toi » lui lança Lanka en lui tapotant l’épaule.

Les deux jeunes hommes se ressemblaient comme deux gouttes d’eau, ils étaient jumeaux, Malho et Lanka, fils de Gorak étaient les frères de Ram.

Soudain, le craquement sec d’une branche se fit entendre, aux aguets les deux chasseurs s’accroupirent sans bruits dans les herbes, d’autres craquements, suivis de sons de voix étouffés leur arrivèrent.

Ne faisant qu’un avec la nature, les Nahiou aperçurent alors sortant des taillis un groupe de guerriers, le corps couvert de peintures vives, lourdement armés.
 

Fin ? ... non !
Allez, cette histoire vous inspire?

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