EXTRAITS DE L'HERITIER DES DIEUX :
Amonhotep, range ce jouet ! ton père arrive ! je lui ai promis que tu serais prêt !».
L'enfant accroupi, à demi-nu, se leva.
Il venait d'avoir douze ans mais paraissait plus que son âge, il toisa la nourrice qu'il dépassait déjà de quelques centimètres, et la regardant droit dans les yeux en fronçant ses sourcils noirs, lui dit :
«Ce n'est pas un jouet ! j'ai fait cet arc moi-même et je défie quiconque de pouvoir le bander !».
La nourrice sourit devant cette jeune fierté, il reprit :
«Et cesse de me traiter en enfant, je suis un homme maintenant !».
Et tenant rageusement sa boucle de l'enfance dans sa main : « je la couperai bientôt !».
«Alors, mon fils, que vois-je ? tu n'es pas prêt, Amounia ne t'avais-je pas demandé de tenir prêt cet enfant ?».
Ils se retournèrent et virent le roi qui s'avançait vers eux d'un pas assuré. C'était un homme d'une belle corpulence, le poitrail large et musclé arborant un pectoral décoré du scarabée surmonté du disque solaire et on ne pouvait nier en le voyant que Ra l'avait engendré. Il était Menkhaperra, Thoutmose troisième du nom, roi de haute et basse Egypte et à voir son visage on devinait un homme résolu.
Son fils lui ressemblait, la même carrure, la même noblesse, la même détermination qui laissait entrevoir déjà une forte personnalité dans un si jeune garçon.
Il s'approcha de son fils et le regarda sévèrement, l'enfant lui sourit : «Regarde, Père, je me suis fabriqué un nouvel arc !».
Le père ne pu s'empêcher de penser que son
fils était semblable en tout point à lui-même au même
âge. Il se sentait fier de cet enfant qu'il avait choisi comme héritier
au trône, mais se retenant de le féliciter, il lui dit : «tu
dois apprendre, mon fils, qu'un prince d'Egypte destiné à régner
ne doit pas songer aux jeux quand il doit se consacrer à ses devoirs
!».
L'enfant soudainement blessé dans son amour-propre et contrarié
d'avoir déçu son père, baissa les yeux.
«C'est ma faute, Majesté» balbutia Amounia «je n'ai pas vu le temps passé, sois indulgent avec lui, ce n'est encore qu'un enfant !».
«Bien» répondit le roi en fixant son fils «je t'attends dans cinq minutes devant la porte sud» sur un ton ne supportant aucune réplique.
La nourrice se prosterna tandis que le roi s'éloignait.
«Vite, jeune prince Amonhotep ! dépêche toi ...» dit-elle tout en poussant prestement le jeune garçon.
«Tu me fais mal ! Va t-en !»
«Laisse moi faire, ta nouvelle servante n'est pas très douée !»
La jeune femme un instant énervée se radoucit à la voix de son amie Sat-Iah deuxième épouse royale qui venait d'entrer dans ses appartements arborant un large sourire qui laissait découvrir ses dents blanches.
Elle s'approcha d'elle et doucement lui prit les boucles brunes et d'un geste habile les recourbant vers l'extérieur rajusta la coiffure laissée en désordre.
«Alors ? sa Majesté est-elle satisfaite ?» dit Sat-Iah d'un ton enjoué.
«Ta gaieté me réjouira toujours le coeur, Sat-Iah !» lui répondit-elle tout en s'observant dans son miroir de bronze.
«Mais ne crois-tu pas qu'une pince ici ? ... ou là ? peut-être une fleur comme ça, sur le côté ?».
Sat-Iah se mit à rire : «Non, tu es parfaite».
Mérit-Ra laissa s'échapper un soupir, posa son miroir sur ses cuisses en baissant la tête d'un air las.
«Tu as l'air soucieuse, Majesté, un ennui ? tu sais que tu peux tout me dire !».
«Comment trouves-tu mon époux Menkhaperra en ce moment ?» lui demanda t-elle.
«Aussi bien que possible, mais pourquoi cette question ? quelle inquiétude te ronge ? dis-moi...».
Son ton était doux, elle aimait beaucoup cette femme et malgré sa position de seconde épouse du roi, il n'existait en elle aucune jalousie même si elle devait lui partager le divin souverain, une réelle amitié les unissait.
«Je le trouve fatigué, et ces responsabilités qu'il donne à mon fils Amonhotep ne laissent présager rien de bon, peut-être souffre t-il d'un mal qu'il n'ose avouer à personne, peut-être sent-il sa fin proche ? mon fils n'est pas encore prêt à assumer sa charge de souverain d'Egypte, il est trop jeune. Et j'ai encore besoin de mon époux, s'il devait nous quitter pour toujours ....».
Sa voix tremblait.
Ressentant l'émotion de la reine, Sat-Iah la prit gentiment par le cou.
«Il prépare ton fils à son futur métier
de roi, c'est tout naturel. C'est un homme prévoyant, il veut qu'Amonhotep
soit formé très jeune à la fonction royale. N'oublie pas
qu'il a été dépossédé du trône par
sa tante Hatchepsout alors qu'il avait été désigné
comme le successeur de son père par le dieu Amon lui-même lors
de la procession d',
il ne veut pas que cela se reproduise s'il devait disparaître prématurément.
Tu te fais du souci pour rien !» et prenant un air soudainement mystérieux,
elle dit :
«Le roi m'a rendu visite dans mes appartements hier soir ... et je peux te dire que son comportement vis-à-vis de moi était loin d'être celui d'un homme malade ou affaibli !».
Mérit-Ra la regarda surprise et voyant le sourire malicieux de la jeune femme, elle comprit son air entendu.
Elles se regardèrent et d'une même complicité éclatèrent de rire.
Les énormes blocs de grès écrasés de soleil semblaient briller en l'honneur du dieu Ra. Tels des fourmis des hommes à moitié nus s'agitaient dans cette forêt de pierres.
Du haut d'une colline, Pharaon observait ce spectacle irréel :
«Vois mon fils, ce que je crée ici à
durera l'éternité. Le rôle
d'un roi n'est pas seulement de faire prospérer son royaume, d'assurer
l'avenir et la sécurité de son peuple, d'asseoir son pouvoir sur
les pays voisins ou de préserver la paix. Un roi doit être pieux
et ne doit pas négliger la religion. N'oublie jamais que tu dois te consacrer
au temple d'Amon et honorer le dieu en lui construisant des sanctuaires. Quand
je ne serai plus, tu devras continuer mon oeuvre. Ne l'oublie jamais ».
L'enfant se sentait fier de l'héritage que son père lui laissait et de la confiance qu'il mettait en lui, il répondit dignement : «Je ne l'oublierai pas, Père. Toute ma vie sera consacrée à poursuivre ton oeuvre. Je te le jure».
Rassuré sur l'avenir de sa dynastie, il se laissa aller à un sourire, posant sa main sur l'épaule du garçon, il lui dit : «Ce n'est pas tout, Amonhotep, si je t'ai montré ce chantier, c'est que je désire te charger d'une mission importante ».
L'enfant intrigué, ouvrit la bouche pour demander à son père qu'elle était cette responsabilité qui l'attendait, mais il n'eut pas le temps de prononcer une parole, sur ordre de Pharaon, son conducteur de char avait lancé les chevaux à toute allure vers une nouvelle destination inconnue.
Il regardait son père qui impassible, le regard fixant l'horizon, ne semblait pas enclin à répondre à ses questions. Amonhotep se tut se demandant anxieusement où son père le conduisait.
Le port de était
le siège d'une activité intense. Les Kebenit, gros navires marchands,
étaient entassés le long des quais. Un va et vient incessant d'hommes
chargés de ballots de bois de toutes sortes tels l'acacia, le sycomore,
le tamaris et le précieux cèdre que l'on importait du Liban, déchargeaient
leurs marchandises dans une ronde semblant ne pas finir. Là étaient
déchargés de l'ébène, de l'ivoire, des parfums,
des encens venus de lointains pays, là on y voyait des animaux sauvages
: singes, guépards ...
De riches commerçants aux vêtements bariolés, parlementaient
pour obtenir le meilleur prix des marchandises qu'on leur proposait dans un
brouhaha indescriptible.
Le jeune prince regardait étonné ce tableau bouillonnant de vie et se tournant vers son père, lui demanda : « pourquoi m'avoir emmené ici, Père, dois-je apprendre le métier de marchand ?».
Thoutmose se mit à rire devant la naïveté de son fils et ne voulant plus faire de mystère lui dit sans détour : «suis moi !».
Toujours sans comprendre, le jeune garçon suivit docilement son père qui se dirigeait vers un navire où étaient déchargés du bois précieux et des arbres à encens en provenance du pays de Pount, destinés à être plantés dans le Temple d'Amon et nécessaires aux rites liturgiques.
A la vue de Pharaon s'approchant de la passerelle, le capitaine du navire se prosterna la face contre terre, le roi passa à côté de lui sans même lui adresser un regard et demanda d'une voix forte : «où est Kamose ? j'avais réclamé sa présence ici aujourd'hui même !».
«Je suis là, Divine Majesté, Vie, Santé et Force à toi, Taureau Puissant !».
Montrant son fils, il s'adressa à son Superviseur des Expéditions Royales au pays de Pount :
«Voici, mon fils, Amonhotep, mon héritier, c'est à lui maintenant que tu dois obéir, je le charge dès à présent d'organiser et de superviser toutes nos relations commerciales avec Péréhou, le roi des Pountiou pour obtenir nos si précieux arbres à encens».
L'homme se courba à presque toucher terre : «qu'il en soit fait selon ton désir, Puissant Horus !».
Le jeune prince avait les yeux écarquillés de surprise, la bouche bée, mêlé de joie et de fierté à l'annonce de sa nouvelle charge, il ne savait quoi répondre, et devant son air idiot, le roi amusé lui dit :
«Alors, Superviseur des Expéditions Royales au pays de Pount, voilà tout ce que tu trouves à dire ?».
L'enfant retrouvant ses esprits et soudainement doutant de lui-même, dit à son père : «crois-tu Père que je sois capable d'assumer cette lourde responsabilité, tout seul ?».
Le père rit de bon coeur et devant son désarroi, le rassura vivement : «Kamose te secondera dans ta tâche, n'est-ce pas Kamose ?».
L'homme toujours courbé, le visage vers le sol, leva légèrement la tête : « je ferai de mon mieux pour aider le jeune prince, Majesté !».
Satisfait, le roi se détourna de l'homme incliné respectueusement, se dirigea vers son char suivi de son fils et se tournant vers lui, il lui dit : « tu pars demain».
Le jeune garçon regarda son père d'un air étonné, «déjà demain» pensa t-il, mais il n'osa pas répondre.
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de votre temps pour me donner votre avis,
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