Il
frappa énergiquement. Des pas se firent entendre et une angélique
voix chanta : - Qui est là ? -
C'est Apollon ! répondit celui-ci. - Je ne
connais aucun Apollon ! dit la voix. Il y eut un
silence. - C'est toi, Aphrodite ? fit Apollon.
La porte s'ouvrit soudain ; -
Mais oui c'est moi, mon Apollon ! Je t'ai bien eu. Il
allait protester, mais elle ne lui en laissa pas le temps ;
- Entre, dit-elle. Apollon
pénétra dans la salle à manger avant de se
laisser choir dans un fauteuil. Il ferma les yeux
et bâilla. - Viens sur mes genoux, dit-il
à Aphrodite. Je vais te raconter quelque chose.
Celle-ci obtempéra et fit comme si elle ne se
doutait de rien. Mais elle savait exactement ce qui allait se passer.
D'ailleurs, elle ne fut pas sitôt près de lui qu'il
la serra dans ses bras et se mit à l'embrasser fougueusement.
Peu après, elle le regarda et lança : -
Tu es tellement prévisible que tu en es touchant ! -
Ah oui ? fit Apollon. Ça, c'est ce que tu crois. Car j'ai
la preuve du contraire. - J'aimerais bien voir ça
! - Viens, je vais te le dire en secret... dit-il.
Mais Aphrodite, pas dupe, se jeta sur lui avant
qu'il n'ait eu le temps de tenter quoi que ce soit, et l'embrassa
à son tour. Ils se regardèrent. Apollon
approcha sa bouche de l'oreille de Aphrodite et chuchota : -
Je t'aime... Bien sûr, il lui avait déjà
dit qu'il l'aimait. Bien sûr, il lui avait dit des milliers
de fois. Mais ce sentiment était toujours le même.
Il voulut le lui dire. - Ça
y est... cela fait déjà un an... cela fait une année,
une année que la foudre m'a frappé... cela fait un
an que nous-nous sommes rencontrés. Et j'ai toujours su que
c'était toi l'amour de ma vie. Et ce, malgré mes aventures
passées. - Il en est de même
pour moi, mon chéri, déclara Aphrodite. Personne ne
pourra remplacer ton si beau sourire. Tu es unique, grâce
à plein de petites choses. Personne n'a ta démarche,
personne n'a tes cheveux, personne n'imite aussi bien que toi le
cri du goéland. Personne ne connaît l'histoire de Venise
aussi bien que toi. Personne à part toi ne m'a jamais dit
que j'étais gracieuse. Bref, personne à part toi ne
mérite d'être dans mon coeur. - Ma
puce... Aphrodite... Mais il ne put continuer.
Une fois de plus, leurs lèvres se rejoignirent. Ils déliraient
presque tant la fièvre les gagnait... ils étaient
en haut d'un boileau, en train de s'aimer à l'air libre.
Près d'eux, G. Vieilledent chantait ''Ode Des Mers'' en les
regardant. Comme frappé d'un coup de foudre, Apollon fasciné
eut à peine le temps d'apercevoir, dans un éclair,
comme dans une toile de Picasso, Aphrodite réincarnée
en sirène... Ecume bouclée, vagues ébouriffées,
ciel baigné de nuages qui font cligner la lune, commissures
nacrées de lèvres de coquillages, le sourire émaillé
de corail blanc, la voix lactée et les seins nus étoilés
de mer... tout disparut lorsque Apollon rouvrit les yeux. -
Je voudrais t'épouser, dit Apollon. Aphrodite
tressaillit. - Pardon ? - Je t'aime.
Je veux t'épouser. Veux-tu être ma femme, Aphrodite
?... Leurs lèvres tremblaient. -
Oui ! Murmura-t-elle. Ils discutèrent toute
la nuit. Ils parlaient de tout, de rien. - Tu sais,
c'est drôle, dit Aphrodite, car hier matin, Le Corbeau a tenté
de me séduire. - Non, c'est vrai ? -
Oui et comme je lui disais que c'était toi, l'amour de ma
vie, il m'a répondu que je perdais mon temps et que je serais
bien plus heureuse avec lui. - Ça ne m'étonne
pas de lui, il a toujours essayé de gâcher ma vie privée.
- Heureusement je lui ai dit ceci : '' Le jour où
tu seras un tant soit peu civilisé, mon petit bonhomme, tu
apprendras que mon Apollon est plus bohème que n'importe
qui. Et tu ne lui arrives pas à la cheville. ''
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